Je pleure mais ça va ! 

Article : Je pleure mais ça va ! 
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9 février 2015

Je pleure mais ça va ! 

Parce que l’émotion est palpable. Parce que les larmes sont lourdes. Parce que la joie et la tristesse se marient et que rien de ce monde ne peut les séparer. Parce qu’il n’y a jamais de prétexte d’être heureux. Parce que ce n’est pas qu’un ballon. Non c’est beaucoup plus que ça.


Parce que… j’ai regardé un documentaire sur une chaine belge, qui contait le parcours de Copa Barry, pensionnaire du club belge de Lokeren. Il est issu du centre de formation de Jean Marc Guillou, un illuminé qui avait pour fantasme de jouer au football avec l’âme d’un enfant. Les enfants aiment le ballon, le toucher, le caresser, sans jamais le lâcher, les Yaya, les Kolo, les Gervais. Les enfants voulaient juste s’amuser sur les terrains rouges d’Abidjan. Depuis, les enfants sont devenus grands, forts grâce aux terrains rouges, grâce à Guillou, grâce à l’amour inconditionnel qui émanait des quatre points cardinaux de la Côte d’Ivoire. Les enfants veulent nous rendent cet amour qui les a fait briller, scintiller, vibrer, voler ; qui les a sublimé. Les enfants veulent nous dire merci depuis une décennie de la seule manière possible, sur le terrain rouge d’Afrique.
Copa Barry est un de ces enfants. Dans ce reportage donc, sur le portier des Éléphants depuis 2006, il nous parlait de sa vision de la vie. Il disait approximativement que le football est une bénédiction et que son seul rêve depuis l’académie de Guillou était d’offrir une maison à sa maman. Il l’a fait, bien avant de connaitre l’Europe en club en économisant ses premiers et maigres salaires de joueur de 16 ans. Il rêvait aussi d’apporter la Coupe d’Afrique des Nations à sa famille, à ses frères ivoiriens, à son pays. Il en a eu des possibilités, celles si se sont terminés en larmes comme aujourd’hui.

Oui car Copa était notre « ennemi », notre bouc émissaire, notre prétexte, notre « Hé Seigneur », notre malheur, notre « Assieds-toi, reste dehors ». Copa est t notre pouls, notre tension, notre haut le cœur. Il est avant tout NOTRE. Ses prestations depuis une décennie nous avait habitué à accepter cet adage : «Eléphant sans défense, c’est Éléphant quand même ou bien ? ». Relégué sur le banc – depuis le début de la CAN – par la montée en puissance de Sylvain Gbohouo, Copa était résigné à souffrir, à supporter ses coéquipiers avec nous spectateurs. Sauf que… ce 8 février 2015, le destin lui a offert une dernière chance de réaliser son rêve. Sa titularisation a été vécue comme une défaite en avance par la plus part des ivoiriens, dont moi. Moqué, critiqué, son éloge était parfumé d’ironie dans les chansons en hommage aux Éléphants…

Parce que c’est dix années de défaites. Parce que c’est une génération qui nous représente avec qui on est devenu « mazo » tellement l’amour est supérieure aux pléthoriques déceptions. Parce que c’est tellement triste et joyeux en même temps. Triste parce que c’est celle que Drogba a manqué. Parce qu’on pense à tous nos joueurs qui y ont contribué et qui n’ont pas pu nous dire merci sur le terrain. (En vrac : Popito. Zokora. Boka. Bamba, Eboué, Demel, Zoro, Koné… Merci). Cette victoire – sans Didier – est indubitablement le plus beau film romantique ivoirien au monde.

Copa, aujourd’hui est un héros. L’entendre parler après le match de sa mère qui souffrait de ne pas le voir jouer, pendant que nous jubilions de son malheur, nous qui le critiquions dès lors qu’il daignait simplement s’échauffer aux abords du terrain. L’entendre verser une larme en nous pardonnant…c’est un beau moment. On ne peut pas l’expliquer. On ne doit pas l’expliquer. Ce n’est plus qu’un ballon. Non, c’est beaucoup plus que ça. L’expliquer serait détruire ce moment d’ivresse, d’allégresse, de folie, de magie, de tristesse, de joie, d’amour, d’espoir, de solidarité, d’union, de fête. Je pleure mais ça va, mes larmes sont sucrées…

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